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20 juin 1910 : Au moins 200 000 tracts sur la tête

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« Les gondoles sont des balançoires à crétins ! » Les peintres et poètes futuristes n'y vont pas par quatre chemins. Boccioni, Russolo, Marinetti, Buzzi et quelques autres encore sont juchés en haut de la tour de l'Horloge et jettent 200 000 tracts multicolores aux centaines de spectateurs amusés de la place Saint-Marc. Ils poussent de grands cris et s'esclaffent bruyamment : « Il faut détruire Venise, raser cette ville pleine d'amants fatigués et de courtisanes cosmopolites ! Il faut redonner à ce lieu sa vocation militaire et intellectuelle. »

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Venise en 1910

Les artistes arpentent ensuite les rues en beuglant d'autres provocations : « Commerçants, arrêtez vos commerces louches et vos brocantes minables ! Vénitiens, redressez-vous, sortez de votre torpeur et mettez fin à vos petites lâchetés ! Faites sortir les étrangers et tous les touristes qui vous avilissent !» Ils s'arrêtent devant un cabinet d'architecte et prennent par le bras l'occupant des lieux. « Venez mon bonhomme, on va vous montrer comment il faut traiter cette ville putride ! Les palais ? Nous les raserons. Les canaux, nous les comblerons ! » Le pauvre architecte, les binocles de travers, se demande s'il rêve ou s'il a affaire à des fous. Marinetti s'est mis à chanter avec une belle voix de ténor : « Vive les ponts métalliques et la reine Electricité ! Vive l'essor des fabriques et l'arrivée de la modernité ! »

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Quelques policiers tentent mollement de s'interposer puis abandonnent, faute de recevoir des ordres clairs d'une hiérarchie lointaine et dépassée. En attendant, les artistes hilares font tomber les képis et leur demandent des armes « pour se battre contre l'ennemi héréditaire autrichien ». Tout se termine dans un café où le vin coule à flot dans une rivière de rires et d'histoires salaces.
 

Pendant ce temps, la ville a retrouvé son calme, les tracts jonchent le sol. Personne ne comprend bien ce que veut dire « futurisme ». Personne ne voit où ces peintres et poètes veulent en venir. Le responsable de la voirie commande à ses agents : « Vous me ramassez tout ça. Du balai, du savon et de l'eau. Qu'il ne reste rien de cette manifestation idiote ! »
 

Assis sur un banc, un journaliste français écrit, pour son journal parisien, un papier ridiculisant les artistes fantasques. Dans son for intérieur, il les remercie pourtant de lui avoir donné des idées qui lui évitent de parler des musées de Venise... qui n'intéressent ni ses lecteurs ni lui.

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Allez plus loin en rejoignant les amis du site. Un jour, le Campanile s'effondre...

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